Nos données de santé explosent, générées en volumes de plus en plus impressionnants, sous différentes formes – génomiques, cliniques, auto-générées par des capteurs et applis en tous genres…
Dans le même temps, et de manière assez logique, il est de plus en plus question de leur “accessibilité” – par les professionnels de santé, les chercheurs, les citoyens eux-mêmes ou encore des sociétés commerciales, “classiques” comme les entreprises pharma ou plus nouvelles, comme les start-ups e-health, les GAFA et autres “plates-formes”.
Le législateur quant à lui, qu’il soit national, régional ou européen, tente comme il peut de faire face à ce double phénomène, espérant y mettre un semblant d’ordre et/ou de légitimité.
De tout cela, il sera encore abondamment question dans les mois et les années à venir. Récemment, le séminaire annuel de la communauté Patient numérique, qui réunit des décideurs et professionnels hospitaliers ainsi que des acteurs et observateurs publics ou privés du monde de la santé, se penchait notamment sur la question de la “propriété” de ces données santé mais aussi de la perception qu’ont les citoyens de leur existence, de leur nature et de leurs finalités.
Une grande méconnaissance
Avant même de pouvoir envisager utiliser ou autoriser l’utilisation par autrui de ses données de santé, encore faut-il que chaque individu sache en quoi elles consistent, à quel endroit les trouver (ou les conserver), comment en produire pour enrichir les traditionnels dossiers médicaux…
Et là, le constat posé est plutôt étonnant. En témoigne une étude de la Fondation Roi Baudouin, datant d’il y a un peu plus d’un an, qui prouve la grande méconnaissance qu’ont les citoyens belges de leurs données de santé. L’étude visait tout à la fois à déterminer la manière dont les citoyens belges utilisent ces données, identifient les risques qu’implique leur utilisation par des tiers, mais aussi à aborder des questions d’éthique et de gouvernance.
Premier enseignement tiré de l’étude: la source d’information vers laquelle les Belges se tournent pour des questions de santé. Dans trois-quarts des cas (avec de légères différences régionales), les médecins, surtout les généralistes, demeurent – et de loin – la principale référence. Mais les sites Internet (48% des réponses) commencent eux aussi à avoir la cote – assez naturellement surtout du côté des jeunes de 18 à 34 ans. Sans qu’ils soient bien entendu pour autant la seule source d’infos santé.
Les réseaux sociaux, eux, sont encore quasi anecdotiques dans ce rôle, avec à peine 2%. Ce qui, toutefois, est… deux fois plus que… les mutuelles !
La méconnaissance qu’ont les Belges de leurs données de santé apparaît dès l’instant où on leur demande de définir leur nature. 28% des personnes interrogées n’ont pas pu donner d’exemple de données de santé personnelles. Et même les 72% qui ont pu le faire n’ont souvent pas été capables de citer plus d’un ou deux exemples…
Types de données les plus cités? L’historique des affections et des traitements dispensés et l’état de santé général. Etonnamment les résultats d’analyses et d’examens ne sont cités que par 8% des personnes interrogées.
Les données collectées lors d’un passage à l’hôpital sont encore plus ignorées (5% des réponses). Interrogés sur leur connaissance de l’existence d’un dossier patient hospitalier, seule une petite majorité (52%) dit “en avoir entendu parler”. Seulement 39% des sondés ont affirmé savoir de quoi il s’agissait…
Partage et réutilisation? Plutôt pour. Mais…
On le voit, même si l’on reste dans des catégories ou types de données assez traditionnels dont chaque individu devrait en principe avoir connaissance, le constat n’a rien de particulièrement rassurant. Surtout si l’on se place sous l’angle de l’exploitation et de l’utilisation potentielles de ces données par les différentes parties intéressées – ou intéressables.
Et pourtant, quand on leur parle autorisation d’utilisation, les Belges sont plutôt pour. Ce qui laisse présumer un important effort d’explication des finalités afin qu’ils en perçoivent toutes les implications…
Les plus favorables à une réutilisation des données de santé sont… les personnes en bonne santé (tant qu’il n’y a pas de loup, allons-y…) et également, signe des temps, les adeptes des réseaux sociaux (dont on connaît, pour beaucoup, la tendance à ouvrir leur vie à tous vents).
L’étude de la Fondation Roi Baudouin a également interrogé le panel de citoyens sur le profil des acteurs avec lesquels ils seraient d’accord de partager leurs données de santé, leur donnant l’autorisation de les utiliser. En la matière, un accès par les professionnels de santé est largement plébiscité. Par contre, le secteur privé a encore un gros travail de conviction à effectuer. Jugez plutôt…
Partage avec..
… un professionnel de santé pour améliorer la qualité des soins personnels: 89%
… les hôpitaux et les centres de recherche à des fins de recherche scientifique: 76%
… les mutualités, pour le calcul des remboursements et la définition d’offres de services: 74%
… l’industrie pharmaceutique, pour le développement de nouveaux médicaments: 52%
… la police, pour des besoins d’enquête (données ADN): 50%
… les pouvoirs publics pour déterminer les politiques de santé: 47%
… les assurances pour adapter les primes: 39% (les jeunes pesant lourd dans ce pourcentage)
… les entreprises privées, à des fins de stratégie marketing ou de développement de leur business… ? Refus quasi généralisé. Ce que la Fondation explique par le fait que l’on sort, ici, du cadre de l’“intérêt général”.
Seulement 56% des personnes interrogées ont connaissance de la possibilité pour elles de refuser le partage des données (principe de l’opt out).
Les résultats de l’étude de la Fondation Roi Baudouin ont fait l’objet d’une publication intitulée “Prenez soin de vos données”.